Deborah Lesne
Soins Holistiques

Massage Ayurvédique

Deborah Lesne
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Massage Ayurvédique

Le questionnement

« Donne-moi le courage de changer les choses que je peux changer, la sérénité d’accepter celles que je ne peux pas changer, et la sagesse de distinguer entre les deux » – Marc Aurèle.

9 novembre 2024, Bangkok.

Je me réveille, agitée intérieurement, avec ces questions qui tournent en boucle dans mon esprit. Pourquoi? Pourquoi fais-tu ce voyage? Quel est son but? Pourquoi as-tu entraîné ton fils avec toi? Essaies-tu de te prouver quelque chose, à toi ou aux autres? Ces questions restent en suspens, lourdes de sens, et je ne suis pas sûre d’avoir une réponse satisfaisante. Comme un singe hésitant avant de sauter sur la branche suivante, je me demande si mon esprit cherche simplement à éviter de tomber. Ou peut-être que je n’ai pas besoin de toutes ces réponses, peut-être que le voyage en lui-même est la réponse.

Et puis, il y a quelque chose que je garde en moi depuis des semaines. Plusieurs fois, Roméo m’a clairement dit qu’il voulait rentrer en France. La première fois, c’était dans les montagnes de l’Himalaya, au tout début de notre aventure. Le trek était épuisant, et tout était encore si nouveau. Je l’ai convaincu de rester, nous avons négocié, longtemps, et il a fini par accepter. Mais ce matin, alors que nous étions à la piscine, je lui ai posé une question : « Qu’est-ce qui te rendrait le plus heureux, là maintenant ? » Sa réponse ne m’a pas surprise : « C’est de revenir en France, maman. » Cette fois, j’étais prête à l’entendre et à l’accepter.`

Le plus difficile, c’est de lâcher prise sur le projet que j’avais imaginé pour nous deux. C’est comme abandonner une partie de moi-même, un sentiment qui m’avait déjà traversée une semaine avant notre départ, lorsqu’il m’avait annoncé qu’il ne voulait plus partir et que j’avais ressenti, en moi, un trou béant se former. Je me rends compte maintenant que c’est mon rêve que je lui impose. Depuis le début, des signes ponctuent ce voyage, des messages que je refuse de voir.
J’ai passé trop de temps à négocier, à tenter de contrôler, et cela m’a épuisée. Je ne veux plus que notre aventure soit conditionnée par des compromis. Je veux que Roméo reste parce qu’il le souhaite réellement, pas parce que je l’y pousse. À presque 10 ans, je crois qu’il a la maturité pour prendre cette décision, et moi, je choisis de lui faire confiance.

Cela fait une semaine que nous sommes à Bangkok. Dès la sortie de l’aéroport, j’ai senti cette odeur, celle de la Thaïlande. Je ne sais pas comment vous l’expliquer, mais ce pays a une odeur particulière pour moi, humide, chaude et réconfortante. Peut-être parce que j’y ai vécu quelque temps, peut-être parce que j’y ai connu l’amour. Pourtant, c’est avec un sentiment de défaite que j’ai quitté ce pays il y a une dizaine d’années. À l’époque, la vie m’avait poussée dans des retranchements sombres, et je n’étais pas prête à affronter ce que l’Asie avait alors révélé en moi. Je ne pensais plus jamais revenir. Trop d’attentes déçues, trop de douleurs enfouies, et une jeunesse qui manquait de recul. Mais il y a un an, une formation en massage thaï a marqué le début d’une réconciliation inattendue. Ce retour ici, maintenant, porte en lui un souffle de guérison que je n’avais pas anticipé.

On aime beaucoup cette ville. Ici, nous retrouvons des routes praticables, des trottoirs, et un semblant de chaos qui reste civilisé, un contraste apaisant après l’Inde où chaque coin de rue était un défi. Malgré l’immensité de Bangkok, je me sens sereine, entourée par une simplicité et une atmosphère rassurante qui m’avaient manqué. Notre appartement est devenu notre petit nid au fil des jours, un lieu où le confort se retrouve enfin. J’ai adoré me promener dans ce quartier où peu de touristes viennent s’y aventurer, explorant les petites échoppes locales pour dénicher de quoi nous préparer notre premier petit déjeuner.

Bangkok, c’est ce contraste saisissant entre, d’un côté, des temples traditionnels remplis de statues de Bouddha, des lieux hautement spirituels, et de l’autre, des dizaines de gratte-ciel modernes, à quelques pas seulement. Un Chinatown impressionnant offrant le contraste d’une ville à l’intérieur d’une ville. Des échoppes partout, à tous les coins de rue, des odeurs qui vous imprègnent toute la journée, qui nous donnent envie de goûter à tout, fan des jus de mangue et des jus de la passion, on a passé une semaine à les déguster.

Nous avons testé tous les moyens de transport ici : le bus local, où la vendeuse de tickets a tenté de m’arnaquer ; le tuk-tuk, que Roméo a adoré ; la traversée paisible en bateau ; et le célèbre BTS, ou Sky Train, avec sa modernité impressionnante. Nous avons découvert des temples somptueux, exploré des marchés locaux foisonnant d’odeurs et traversé des quartiers variés, allant des plus traditionnels aux plus modernes et touristiques.

C’est ici, dans cette ville, que j’ai décidé de me séparer d’une partie de mon identité. J’y ai laissé 50cm de cheveux, un geste simple en apparence, mais chargé de sens pour moi. Mes cheveux ont quasiment toujours été longs, à quelques exceptions près, comme une extension de moi-même, presque une signature. Après le choc de les avoir perdus, j’ai ressenti un besoin intense de m’alléger d’un poids. J’ai réalisé qu’après tout ce temps, mes cheveux étaient devenus un réceptacle de mon passé, chargé de souvenirs, d’expériences et d’émotions gardées.

Certaines croyances et traditions attribuent aux cheveux une mémoire énergétique, comme un réservoir qui conserverait les mémoires de notre vie. Les couper deviendraient alors un moyen de laisser sa place au renouveau, de se libérer des attaches du passé, comme un début de transformation.

Ces dernières semaines, plusieurs personnes m’avaient suggéré de les couper, et à chaque fois, ma mine perplexe répondait : « Mais enfin, laissez-moi tranquille, jamais je ne les couperai! » 😂. Comme pour confirmer cette idée improbable, une amie m’a même raconté qu’elle en avait rêvé ! Moi, avec des cheveux courts? Inimaginable ! Et pourtant, me voilà aujourd’hui, contre toute attente, n’en menant pas large sur le tabouret du coiffeur.

Même si quelques larmes ont été versées au cours du processus, je suis ravie du résultat. Je me sens plus légère, exactement comme je l’imaginais. Mais soyons honnêtes, une coupe de cheveux ne transforme pas notre vie d’un coup de baguette magique, ni ne fait disparaître les bagages émotionnels d’un coup de ciseaux. Mais c’est un joli premier pas, un petit souffle de renouveau. Changement de coupe, changement de vie… enfin, c’est ce qu’on dit, non ?

Place aux anecdotes de Bangkok ! Après une belle et longue balade au Wat Pho, nous voilà partis pour Khao San Road, le lieu incontournable des backpackers. Ce quartier grouille de restaurants, bars, échoppes ambulantes et salons de massage – un endroit vibrant, plein de vie. Pour le retour, nous avons opté pour un tuk-tuk, et c’était mémorable : le chauffeur filait à toute allure, ce qui a beaucoup amusé Roméo. À en juger par ses éclats de rire, je pense que ce moment restera parmi ses préférés. J’ai aimé le voir si heureux, savourant chaque instant à bord de ce tricycle pittoresque, un engin inconnu dans nos rues. Nous avons aussi joué au billard ; bref, une soirée comme on les aime, avec un vrai sentiment de liberté au milieu de la foule.

Roméo a été très surpris de croiser autant de Français ici, loin de l’ambiance du Népal et de l’Inde, où les voyageurs francophones étaient bien plus rares. Nous avons fait moins de rencontres ici, sans doute en raison de l’ambiance de grande ville et du fait que nous séjournons dans un appartement… tout a un prix !

Bangkok m’a captivée pendant une semaine, mais j’ai ressenti le besoin de nous emmener dans un endroit familier, un lieu qui porte encore mes souvenirs. Ces dernières semaines ont été pleines de surprises, de découvertes, et un peu de stabilité ne nous fera pas de mal. J’ai choisi Phuket comme prochaine destination, l’endroit où j’avais vécu il y a 12 ans. À l’époque, malgré les circonstances, cet endroit avait été pour moi une sorte de refuge, un lieu où je pensais me cacher, mais où j’ai finalement trouvé autant de chaos que de répit. Revenir ici après tout ce temps, cette fois avec Roméo à mes côtés, me semble à la fois rassurant et troublant. Que reste-t-il de cette ancienne version de moi-même qui avait cherché ici une échappatoire ? Nous partons en bus de nuit, avec un mélange d’excitation et de nostalgie, prêts à retrouver un morceau de mon passé dans ce lieu de contrastes.

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