Deborah Lesne
Soins Holistiques

Massage Ayurvédique

Deborah Lesne
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Une pause à Phuket

Phuket, 25 novembre 2024.

C’était un jour gris, un de ces jours où le ciel semble hésiter entre ombre et lumière. Depuis plusieurs jours déjà, ce voile nuageux nous tenait compagnie, mais ce n’était pas une raison pour renoncer à notre rituel quotidien : la plage. Roméo retrouvait son copain, comme à chaque fois, pour courir, rire, et jouer dans l’eau.

En fin d’après-midi, tout a changé d’un coup. Le ciel, stable jusque-là, s’assombrit brusquement, prenant une teinte d’encre, annonçant une pluie tropicale imminente. Je voyais Roméo au loin, riant et éclaboussant dans l’eau avec son ami et le papa de ce dernier. Ils étaient tellement absorbés par leurs jeux qu’ils ne faisaient pas attention à mes signes. J’agitais les bras, les appelant, mais ma voix semblait se perdre dans le vent.

Quand ils finirent enfin par sortir de l’eau, nous marchions en direction du scooter. J’ai souri en disant à Roméo :
— On va se prendre une saucée ! Il éclata de rire et me lança :
— C’est quoi une saucée maman ?
À cet instant précis, les premières gouttes se mirent à tomber. Une pluie vive et chaude, presque joyeuse. Je lui ai répondu en riant, pointant le ciel du doigt :
— C’est ça mon fils !

Sur le chemin du retour, nous avions prévu de nous arrêter à la boulangerie française du coin, un petit plaisir qu’on s’accordait parfois, pour un croissant aux amandes et un flan maison (un délice, vraiment). Mais à ce moment-là, avec l’eau qui s’infiltrait jusque dans nos vêtements, nous étions d’accord d’un regard : pas de détour. Direction maison, et vite.

Sur le scooter, chaque goutte de pluie frappait nos corps comme un petit fouet. En quelques minutes, nous étions trempés, glacés par l’eau et le vent qui nous frappait sans relâche. Je sentais Roméo se blottir contre mon dos, son petit corps cherchant refuge derrière moi.
— Maman, je me cache derrière toi ! Tu me protèges du mal de la pluie ! s’écria-t-il en riant aux éclats.

Arrivés à la maison, nos rires ne s’arrêtaient plus. Trempés de la tête aux pieds, dégoulinants, on aurait dit deux explorateurs ayant bravé une tempête tropicale. Roméo, tout frissonnant, décida de se nicher à l’intérieur du bungalow pour se réchauffer. Quant à moi, je n’ai pas pu résister à une envie soudaine et irrépressible : j’ai plongé directement dans la piscine !

L’eau, tiède et enveloppante, contrastait avec la fraîcheur mordante des gouttes de pluie qui continuaient à tomber. Un souffle de chaleur me traversa, et pour un instant, tout mon être semblait s’aligner. Je me suis sentie vivante, intensément vivante, comme si mon corps et mon esprit se reconnectaient à quelque chose de primal, de pur. Peut-être est-ce cela que ressent un bébé, flottant dans le ventre de sa mère, bercé par la chaleur et les sons du monde extérieur. C’était une sensation presque extatique, comme si je touchais une vérité oubliée.

Dans nos pays au climat tempéré, nous fuyons la pluie comme si elle était un ennemi juré. Ici, sous cette pluie tropicale, j’ai ressenti à quel point il est libérateur d’embrasser les éléments, de laisser la pluie nous traverser, et de redécouvrir la simplicité d’être.

Il fait froid, oui, je sais. Vous allez me dire : « Chez nous, ce n’est pas pareil. » Je vous l’accorde… parfois, oui, il fait froid. Mais pas tout le temps ! Et même quand il fait froid, pourquoi pas ?
Laissez-moi vous raconter quelque chose : un jour, j’ai plongé dans un lac glacé, en plein hiver. L’entrée dans l’eau ? Je ne vais pas vous mentir, c’était un choc. Chaque fibre de mon être voulait fuir. Mais à cet instant précis où j’ai cessé de résister, il se produit un phénomène que je n’avais encore jamais ressenti avant. Mon corps, comme s’il comprenait mieux que moi, a pris les commandes. Il s’est réchauffé de l’intérieur, une chaleur qui enveloppait tous les organes de mon corps. En sortant, croyez-le ou non, je n’avais pas froid du tout. C’est une sensation que je ne suis pas près d’oublier.

Il n’y a rien de plus simple, au fond, et pourtant rien de plus difficile : arrêter de lutter. Accepter de ne pas tout maîtriser. Comme là, dans ce lac, faire confiance à son corps. Tout ce voyage tourne autour de ça finalement : apprendre à lâcher prise.

Oui oui, je sais, je radote. Mais c’est comme un mantra qu’il faut répéter pour qu’il fasse son chemin. C’est un peu comme un élastique qui te claque dessus encore et encore, jusqu’au moment où tu finis par exploser et crier : « Bon ça suffit, on a compris ! » À force de voir ces leçons se succéder les unes après les autres, ici dans ce voyage, je finirai bien par y arriver.

28 novembre, le jour où maman arrive.

L’attente de maman était presque aussi intense pour Roméo que pour moi. Nous savions qu’elle devait arriver en début de matinée, mais avec la circulation chaotique de Phuket, chaque minute semblait une éternité. Le trajet en taxi, qui autrefois ne prenait qu’une heure depuis l’aéroport, s’était transformé en près de deux heures. Roméo trépignait littéralement devant l’entrée de notre résidence, incapable de tenir en place.
— Maman, de quel côté elle va arriver, mamie ? Et elle a quoi comme voiture ? Tu es sûre qu’elle est dans le bon taxi ?

Son excitation était contagieuse, et je souriais en le regardant tourner en rond comme une petite toupie, les yeux fixant la route, courant d’un côté à l’autre.

Puis, enfin, elle est arrivée. Le taxi s’est garé, et maman est sortie avec son plus grand sourire. Roméo lui a couru dans les bras alors qu’elle n’était pas encore descendue. Les retrouvailles furent simples mais touchantes. Maman était rayonnante, visiblement heureuse d’être là avec nous, heureuse de retrouver la Thaïlande qu’elle connaissait et aimait tant.

Les journées à Phuket défilent à une vitesse folle. En cinq jours, nous avons enchaîné plage, piscine, billard, massages… une routine simple et joyeuse qui nous convenait parfaitement. Mais parmi nos explorations, il y a eu une visite qui m’a laissé un goût amer : Phuket Town.

Quelle déception. La vieille ville que j’avais tant chérie autrefois, avec son charme authentique thaï, ses ruelles chargées d’histoire, semblait avoir disparu. À sa place, une version trop polie, presque dénaturée. Les boutiques touristiques s’alignent les unes après les autres, toutes semblables, sans âme ni surprise. Les façades colorées, autrefois empreintes de caractère et de vécu, semblent avoir été repeintes à la hâte, comme pour plaire aux objectifs des appareils photos des visiteurs. Tout brillait, mais d’un éclat un peu faux, un peu « bling-bling ».

Je suis restée partagée. D’un côté, je comprends qu’il faille rénover, préserver, donner une seconde vie à ces lieux emblématiques. Mais à quel prix ? Jusqu’où peut-on aller dans cette quête de modernisation avant de perdre l’essence même de ce qu’on cherche à protéger ?

Nous avons finalement fait peu de visites à Phuket, en grande partie à cause de la densité de la circulation. Les routes sont devenues un véritable chaos, et nous étions en scooter : Roméo derrière moi, et maman qui nous suivait sur un autre. Elle n’était pas très à l’aise sur ce deux roues, ce que je comprenais parfaitement.

Un jour, son casque s’est envolé, emporté par une bourrasque de vent. En me retournant, je ne la voyais plus. Inquiète, je me suis arrêtée sur le bas-côté. Les minutes ont paru interminables, et la panique commençait à monter. Nous étions sur le point de faire demi-tour quand elle est enfin apparue. Elle était visiblement paniquée, le visage marqué, ses épaules voûtées comme si l’effort et la peur l’avaient écrasée.

Je crois que c’est à ce moment-là que quelque chose a basculé en moi. C’est étrange de voir un parent, cette figure forte de ton enfance, devenir vulnérable. Ce jour-là, j’ai réalisé quelque chose que je n’avais jamais vraiment envisagé jusque-là : ma maman n’allait pas en rajeunissant. Je ne parle pas seulement de l’âge qui s’affiche sur une carte d’identité, mais de ce glissement subtil dans les rôles, presque imperceptible, jusqu’à ce qu’il devienne évident. Elle devenait petit à petit, une personne à protéger.

Je dois l’avouer, j’ai pris une claque. Un moment où le temps te rattrape d’un coup, te forçant à regarder une réalité à laquelle tu n’es pas encore prête. Je crois que je n’en ai pas encore pris toute la mesure. Peut-être parce que c’est plus facile de ne pas y penser, de repousser cette idée dans un coin de ma tête.

Nous avons aussi dégusté une bouillabaisse dans un restaurant français. Et oui, la France me manque parfois, surtout sa gastronomie… il n’y a pas à dire, c’est une richesse qui marque. Mais ce n’est pas tout : Roméo tenait absolument à faire goûter à sa mamie les fameux dosa indiens. C’était quelque chose de très important pour lui, et je me souviens encore de la manière dont il en parlait.

En Inde, il avait insisté : « Maman, on pourrait rester plus longtemps, comme ça mamie pourrait venir et manger des dosa avec nous ! » À ses yeux, c’était un moment à partager, une sorte de petit rêve. Alors, trouver à Phuket, ici, un restaurant indien où les dosa sont préparés dans les règles de l’art, c’était une petite victoire pour lui. Et honnêtement ? Peut-être les meilleurs dosa que nous ayons mangés !

Rien que pour ces petits moments, comme les dosa partagés avec mamie, ça valait le coup de rester quelques jours de plus à Phuket. Mais honnêtement, Phuket… c’est une petite déception. Mon impression générale : c’est trop. Tout est devenu trop là-bas. Trop touristique, trop commercial, trop envahi. Certes, les plages sont magnifiques, il faut le reconnaître, mais elle sont noyées dans un chaos qui leur vole leur magie.

Cela dit, malgré cette déception, cet endroit nous a offert un temps de pause. Un moment pour respirer, nous détendre, retrouver un peu de réconfort après l’épisode indien. Et rien que pour cela, je ne regrette pas d’y être venue.

Mais sincèrement, si maman n’avait pas déjà réservé son billet, nous serions partis bien avant. Encore un indice, Débo : lâche-prise. Arrête de vouloir anticiper, même pour les autres. Même à trois jours. Pourquoi je continue de m’imposer cette tension, à marcher sur ce fil tendu ? Vis le moment présent, vis ce qui est là, pas ce que tu avais imaginé ou planifié !

C’est aussi pour ça que j’ai préféré être claire avec maman concernant Bali. Elle devait m’y rejoindre, ainsi que mon frère, sa chérie et ses filles, et je savais combien cette idée lui tenait à cœur. Mais je lui ai dit : « Aujourd’hui, je ne peux rien te garantir. Je préfère que tu fasses tes plans comme si je n’y étais pas. » Ce fut difficile à dire. Ce n’est jamais facile de prendre conscience que même avec les meilleures intentions, on ne peut pas toujours répondre aux attentes des autres. Mais c’est une contrainte que je ne peux plus m’imposer. Pas dans ce voyage, pas maintenant.

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